Discours du Trône | 03/10/2025 - Chambre des Députés

Majestés,
Altesses Royales,
Monsieur le Président de la Chambre,
Madame la Présidente du Parlement européen,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Conseil européen,
Mesdames et Messieurs les Députés et Membres du Gouvernement,
Chères concitoyennes, chers concitoyens,
« Je vivrai la vie de Mon peuple dont je ne veux être séparée par aucune barrière. Je partagerai ses joies et ses souffrances ».
C’est par ces mots que la Grande-Duchesse Charlotte s’adressa pour la première fois à la Nation le 18 janvier 1919. Des paroles qui allaient au-delà du serment qu’elle avait prêté quelques jours plus tôt en tant que nouvelle cheffe de l’État : elles constituaient aussi une promesse faite à son pays et à son peuple.
Des paroles sincères, venues du cœur, au lendemain d’un conflit qui avait profondément déchiré l’Europe. Des paroles dont toute la portée n’allait se révéler que deux décennies plus tard, dans un cataclysme encore plus tragique. Il y a tout juste quatre-vingts ans, en 1945, la Grande-Duchesse Charlotte revenait d’exil.
En ces temps éprouvants, la monarchie fut un pilier de la continuité de l’État luxembourgeois. Symbole des principes de liberté et d’unité inscrits dans notre Constitution, elle demeure, hier comme aujourd’hui, un repère stable et un appui solide en temps de crise. À ce titre, le serment que je viens de prêter sur la Constitution représente un moment institutionnel majeur pour notre pays.
Je m’engage à accomplir, avec responsabilité, intégrité et dévouement, les devoirs liés à ce serment et prescrits par la Constitution. Notre démocratie a besoin d'institutions solides et je suis fier de pouvoir y contribuer.
Je promets ainsi de rester neutre sur le plan politique et de défendre sans relâche nos principes démocratiques fondamentaux.
Je promets d’être au service de l'ensemble des habitants de notre pays, et d’agir, en toutes circonstances, dans l’intérêt de la Nation.
Je m’engage à rester toujours à l’écoute et à œuvrer à la recherche de solutions communes.
J'agirai avec intégrité, je resterai authentique, et je servirai notre pays avec loyauté et honnêteté.
Le Grand-Duc incarne l’unité nationale et l’indépendance. En ces temps complexes, la monarchie joue un rôle essentiel : être à l’écoute, donner confiance et renforcer la cohésion sociale qui nous unit.
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Monsieur le Président de la Chambre,
À l’occasion de la Fête nationale en juin dernier, vous avez déclaré que, de nos jours, la légitimité et l’autorité ne découlent plus de la seule fonction. Elles reposent désormais sur l’adhésion collective, garante de la pérennité d’une institution. La monarchie, souvent fondée sur des traditions séculaires qui façonnent une part essentielle de notre identité, n’échappe pas à cette réalité. Elle doit évoluer avec son temps, s’adapter aux attentes de la société et se tourner résolument vers l’avenir.
Je veux être le Grand-Duc qui jette des ponts entre les générations, entre tradition et innovation. Je m’emploierai à bâtir des ponts entre les individus et à contribuer ainsi à la cohésion de notre société. En nous tournant vers l’avenir, ce sont nos valeurs partagées, notre créativité et notre solidarité qui nous feront avancer unis.
Fort heureusement, le monde d’aujourd’hui est bien différent des heures sombres de notre histoire – quand les paroles de la Grande-Duchesse Charlotte apportaient une lueur d’espoir à tout un peuple. Mais il est aussi différent de ce qu’il était il y a vingt-cinq ans, lorsque mon père prêtait serment en ce même lieu.
Nous devons faire face à de nombreux défis : des tensions géopolitiques croissantes, une économie mondiale redevenue imprévisible, une spirale de désinformation qui menace nos démocraties et les effets du changement climatique toujours plus tangibles. La guerre, comme la pauvreté, demeurent, hélas, des constantes tragiques.
Notre monde évolue rapidement sous l’effet des progrès technologiques et des transformations sociétales. Mais le Luxembourg a toujours su s’adapter aux nouveaux enjeux internationaux et transformer les défis en opportunités.
Nous pouvons être fiers de ce que nous avons accompli, mais il serait imprudent de nous en contenter. Des investissements innovants font du Luxembourg non seulement une place financière de premier plan, mais aussi un pôle attractif pour les nouvelles technologies. Ainsi, nous façonnons notre avenir, nous soutenons une économie forte et durable, et nous préservons notre modèle social.
Au Luxembourg, nous disposons des atouts pour relever les défis de demain. Je souhaite que nous continuions à avancer ensemble dans un esprit de solidarité et de responsabilité. Bâtir ces ponts est l’une des grandes forces du Grand-Duché. Notre stabilité sociale demeure un atout majeur, tant pour notre société que pour notre économie.
Telles sont les forces d’un Luxembourg dynamique, innovant et attractif. Dans mes nouvelles fonctions, ce sera pour moi un grand honneur de continuer à être l’ambassadeur de ce Luxembourg à l’étranger et de soutenir ainsi l’action du gouvernement.
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Mais le Grand-Duché dispose d’un autre atout unique en son genre : une population multiculturelle et multinationale.
Au fil des décennies, de nombreuses personnes sont venues vivre et travailler chez nous. Certaines, venues du sud de l’Europe ou des pays voisins, sont depuis longtemps nos concitoyens. D’autres sont arrivées plus récemment, dans le contexte de la mondialisation et de la diversification de notre économie. D’autres encore ont trouvé ici refuge, fuyant la guerre ou la pauvreté. Ensemble, ces personnes représentent près de la moitié de notre population et, avec les nombreux travailleurs frontaliers de nos pays voisins, elles contribuent de façon essentielle à la prospérité du Luxembourg. J’entends par là une richesse économique, mais aussi culturelle, qui a profondément marqué notre pays et façonné notre identité. Je suis fier, en tant que nouveau Grand-Duc, d’être aussi à leurs côtés. Je tiens à leur exprimer toute ma reconnaissance pour leur contribution à l’essor du Luxembourg tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Ce contexte particulier n'est évidemment pas sans défis. Je souhaite que nous bâtissions davantage de ponts entre les communautés, pour que nous apprenions à réellement vivre ensemble – les uns avec les autres, et non les uns à côté des autres. Je crois aux valeurs d'ouverture, de diversité, de tolérance et de solidarité.
Car le Luxembourg prospère lorsque chacun s’y sent pleinement chez soi.
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Mesdames et Messieurs,
Aujourd’hui, je voudrais m’adresser tout particulièrement à notre jeunesse.
Père de deux jeunes enfants, je m’interroge sur le monde dans lequel ils grandiront. Nous sommes à l’aube d’une révolution technologique majeure, portée par l’intelligence artificielle. Elle transformera notre vie, notre environnement et même nos institutions démocratiques. De tels changements peuvent nourrir un sentiment d'incertitude quant au monde de demain. Et c’est pour la jeunesse que l’enjeu est le plus grand.
Dans un monde de plus en plus numérique, nous devons plus que jamais cultiver les liens humains. Car c’est dans le dialogue et le contact direct que naît la compréhension de l’autre et la véritable empathie. Chacun de nous a la responsabilité de bâtir des ponts, de tisser des liens, qui nous rapprochent les uns des autres. Une responsabilité capitale, en particulier envers notre jeunesse.
Car nos jeunes grandissent dans un monde où l'intelligence artificielle s’impose comme une évidence. Ils doivent donc apprendre non seulement à comprendre et à utiliser la technologie, mais aussi à porter sur elle un regard critique – avec l’aide de leur famille, de leurs amis, de leurs enseignants, mais aussi au-delà du cadre scolaire, dans le monde professionnel. Si l’intelligence artificielle offre de nombreux atouts, elle ne doit jamais étouffer notre créativité ni affaiblir notre esprit critique.
Notre démocratie et notre société ont besoin de citoyens éclairés et créatifs, pour qui l'entraide va de soi !
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Les relations humaines sont aussi le socle d'un esprit de communauté solide. Un esprit de communauté et de solidarité que nous devons entretenir, que nous devons raviver sans relâche ! Mais notre société est aujourd'hui marquée par une tendance au repli sur soi, au détriment de l’attention portée aux autres. C’est pourquoi j’en appelle à vous – les jeunes, mais aussi les moins jeunes : poursuivez votre engagement volontaire dans les associations, les communes et les nombreux cercles et clubs de la vie sociale. Et pour celles et ceux qui ne s’y sont pas encore engagés : osez le bénévolat.
Car par cet engagement, vous contribuez à la cohésion sociale, vous créez des liens, et vous renforcez la solidarité. Autant de valeurs qui me tiennent particulièrement à cœur. Ce n'est qu'en unissant nos forces que nous pourrons surmonter les défis de demain et bâtir une société plus résiliente.
C’est dans notre esprit de communauté et dans nos valeurs communes que réside notre force !
Je veux donc continuer à m’engager résolument en faveur des plus vulnérables et des plus défavorisés, mais aussi soutenir celles et ceux qui, chaque jour, leur viennent en aide sur le terrain. Notre communauté, c’est nous tous. Je veux surtout porter la voix de celles et ceux qu’on n’entend pas et que la vie met souvent à rude épreuve.
Mon épouse, la Grande-Duchesse Stéphanie, m'accompagne depuis de nombreuses années dans mes engagements. Elle continuera de me soutenir, tout en traçant ses propres priorités. Mais le bien-être humain restera toujours au cœur de nos objectifs communs. C'est pourquoi le rôle du conjoint du Chef de l'État est essentiel : il contribue à la visibilité internationale d'un pays, porte haut les valeurs et thèmes sociaux ou culturels importants, et met en lumière celles et ceux qui s'engagent sur le terrain, qu'ils soient bénévoles ou professionnels. Nous sommes particulièrement honorés de compter aujourd'hui parmi nous deux Reines, qui incarnent ce rôle à la perfection.
Ma mère, la Grande-Duchesse Maria Teresa, a toujours été très engagée en faveur des victimes de violences et des plus vulnérables. Mon père, le Grand-Duc Henri, a voué toute sa vie au service de notre pays. Au fil des vingt-cinq dernières années, ils ont contribué ensemble à la prospérité du Luxembourg. Depuis mon enfance, ils m’ont préparé à ce moment, année après année, avec tout leur amour et leur compréhension. Je tiens à les remercier du fond du cœur pour la confiance qu’ils m’ont accordée. Sans Votre soutien, je ne serais pas celui que je suis aujourd’hui.
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Il y a une autre personne dans ma famille qui m’a profondément marqué – moi, mais sans doute aussi toutes celles et tous ceux qui l’ont connue. Une personne au grand cœur, qui n’a pas hésité à s'engager au front pour défendre la liberté du Luxembourg. Je parle évidemment de mon grand-père, le Grand-Duc Jean. Voilà déjà plusieurs années que j’ai repris son rôle de chef scout, un rôle qui lui était particulièrement cher et c'est pour moi un honneur d’assumer aujourd’hui cette nouvelle mission, en marchant, encore, dans ses pas. Il est aujourd’hui présent parmi nous, dans nos pensées.
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Mesdames et Messieurs,
Lorsque, demain soir, dans le cadre des festivités du changement de trône, nous traverserons l'emblématique Pont Rouge, qui porte le nom de mon arrière-grand-mère,
lorsque, demain soir, nous franchirons ce passage de l'ancien vers le nouveau, de la tradition vers la modernité, aux côtés de près de deux mille personnes représentant la diversité de notre société,
à ce moment, sur le Pont Rouge, je me rappellerai ma promesse faite aux Luxembourgeois et à tous nos concitoyens, guidé par les paroles de la Grande-Duchesse Charlotte :
« Je vivrai la vie de Mon peuple dont je ne veux être séparée par aucune barrière. Je partagerai ses joies et ses souffrances. »
Voilà, pour moi, tout le sens du serment que j'ai prêté aujourd'hui devant vous.
Je vous remercie.
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