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Discours de Noël prononcé par S.A.R. le Grand-Duc (version FR)

24.12.2016

Discours

Discours de Noël de Son Altesse Royale le Grand-Duc

Le 24 décembre 2016 (traduction FR.)

 

Mes chers compatriotes,

En cette veillée de Noël, à l’issue d’une année qui à nouveau fut tourmentée, nous aspirons tous au repos, à la sérénité mais aussi à des raisons d’espérer des jours meilleurs.

Les raisons de croire au progrès n’ont pas disparu dans notre monde d’aujourd’hui. Malgré les crises multiples et en tous genres, l’humanité en général connaît certaines évolutions favorables. L’espérance de vie continue de croître de façon spectaculaire, sur les autres continents la pauvreté extrême a reculé au cours des dernières décennies, la science fait des avancées tous les jours, globalement les richesses des ménages augmentent, même si leur répartition reste très inégale. L’« impératif écologique » est dorénavant largement partagé, comme le prouvent notamment les engagements pris lors des sommets contre le réchauffement climatique.

Je pourrais citer d’autres exemples de bonnes nouvelles, au risque de passer pour un optimiste invétéré. Pourtant je ne suis pas sans ignorer que la perception générale de notre environnement actuel n’est pas celui d’un monde heureux, mais bien plutôt celui d’une période de transition profonde et de remises en cause parfois douloureuses.

Depuis l’irruption de la crise économique en 2008, beaucoup de certitudes et de repères ont vacillé pour faire place à des peurs diffuses. La perspective qu’un système bancaire ou même qu’un Etat pouvait faire faillite ne faisait plus partie de nos schémas de pensée. Il en résulte des craintes sur l’épargne que les ménages se sont constituées. Plus encore, la réduction des dépenses publiques et la montée du chômage ont attisé la peur du « déclassement social ». L’accélération de la mondialisation, les guerres, dont la tragédie d’Alep est le dernier exemple, et les attentats terroristes qui sont à l’origine de l’afflux des migrants, ont donné l’impression d’un basculement d’époque et ont mis suscité des questionnements sur l’identité.

Nous voyons depuis quelque temps la traduction politique et électorale de ces peurs et de cette perte de repères dans certains de nos pays voisins et plus lointains. La tendance est à la réaffirmation d’un besoin de protection et de frontières. Elle peut mener aussi au repli sur soi ou aux réponses simples face aux questions compliquées. Toute cette évolution est inquiétante, parce qu’elle est porteuse de divisions dans nos sociétés.

Pourtant rien ne serait plus maladroit de considérer l’expression de ces sentiments de malaise avec mépris et arrogance. A ces réactions ou même à ces colères, il faut trouver des réponses concrètes. Il ne s’agit pas de les ignorer avec l’argument qu’elles ne sont pas « politiquement correctes »!

Dans le même temps, je reste convaincu qu’aujourd’hui comme hier la peur reste mauvaise conseillère. Elle ne peut fonder des politiques durables dans le sens de l’intérêt général. L’action publique ne peut répondre qu’avec la raison aux passions qui peuvent s’exprimer ici ou là. Et elle regagnera ses lettres de noblesse en démontrant qu’elle n’est pas à la traîne des événements, mais qu’elle est capable de les maîtriser.

Mes chers compatriotes,

Si notre pays n’est pas à l’abri des grandes tendances qui affectent le monde, nous constatons avec satisfaction que les vents contraires y soufflent avec moins d’intensité. Comme si notre tempérament national fait de tempérance nous mettait à l’abri de certains excès. Regardons par exemple la tonalité du débat public qui atteint ailleurs des degrés de violence verbale incompatible avec nos valeurs de tolérance et de respect. Je n’ai pas besoin de citer des exemples ; chacun les reconnaîtra. Or la valeur intrinsèque des arguments politiques n’est pas proportionnelle à la force avec laquelle ils sont exprimés. Alors que les prochaines consultations électorales commencent à poindre à l’horizon, je veux simplement émettre le vœu que le débat public à Luxembourg reste fidèle à la modération qui le caractérise depuis toujours. Les attaques personnelles, les coups bas, les excès de langage, tout cela ne fait pas vraiment partie de nos traditions. Je crois bien que la « démocratie apaisée » restera notre modèle, pour le plus grand bien de nos institutions.

Le calme et la sérénité qui caractérisent notre « vivre-ensemble » sont également pour nous un atout incomparable. Je suis touché par la capacité de notre société à intégrer chaque année de nouveaux arrivants qui contribuent à notre développement économique. La bonne santé de l’économie luxembourgeoise n’est pas étrangère à cette situation. Mais l’esprit d’ouverture de notre population est resté intact, comme le montre l’accueil qui est fait aux migrants provenant des zones de guerre du Moyen-Orient. Tout cela est très réconfortant et permet d’affronter les problèmes concrets avec le bon état d’esprit.

Enfin, je voudrais parler d’un autre antidote à la peur, à savoir notre capacité à préparer l’avenir. Au cours de l’année, j’ai été impressionné par l’importance des réflexions sur le positionnement de notre pays dans les prochaines années. L’initiative en revient au gouvernement, mais je voudrais également féliciter toutes les voix qui se sont manifestées dans ce débat. Certaines idées deviendront concrètes, d’autres seront abandonnées. Mais l’essentiel c’est bien de le mener et de démontrer que nous avons une réelle faculté à décider de quoi le Luxembourg de demain sera fait. C’est à partir du moment où le futur n’apparaît plus comme une menace mais comme une opportunité, que le sentiment de peur se dissout dans les esprits et les cœurs.

Mes chers compatriotes,

Ces fêtes de fin d’année sont pour nous tous qui habitons ce beau pays, Luxembourgeois et non-Luxembourgeois, jeunes et personnes âgées, croyants et non-croyants, l’occasion de nous rassembler en famille et de mettre au premier plan l’importance du lien social et de la solidarité familiale. Le quotidien nous entraîne trop souvent à privilégier notre propre personne et à passer parfois à côté de l’essentiel. J’ai une pensée très émue pour ceux qui ne sont pas entourés lors de ces fêtes ; je songe aux malades, à ceux qui se sentent exclus d’une manière ou d’une autre. Profitons du retour au calme pour faire l’effort d’aller à leur rencontre. Soyons disponibles à aider, là où notre présence peut être la plus utile. Ce faisant, nous nous ferons du bien. Notre cohésion sociale est le meilleur atout pour affronter les défis parfois rudes du monde actuel.

Cet dans cet état d’esprit qu’avec la Grande-Duchesse, le Grand-Duc Jean, le Prince Guillaume et la Princesse Stéphanie, je vous souhaite du fond de cœur de passer de très bonnes fêtes de Noël et d’attaquer la nouvelle année, plein d’optimisme.