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Interview de S.A.R. le Grand-Duc - 25 ans au CIO et au COSL

03.02.2023

Sport

Le 5 février 2023, il y aura 25 ans que S.A.R. le Grand-Duc Henri de Luxembourg devenait membre du Comité International Olympique. En tant que tel, il a participé à presque toutes les sessions olympiques, réunions annuelles du Comité, depuis la 107e session à Nagano (Japon). Nous avons rencontré le Grand-Duc pour évoquer avec Lui un quart de siècle de présence dans la famille olympique.

© Archives COSL/CIO

Jeux Olympiques d'Helsinki – 1952. Médaille d’or de Josy Barthel, 1500m. Remise de la médaille par S.A.R. le Grand-Duc Jean, membre du CIO.

Monseigneur, le 5 février 1998, à Nagano, vous entriez au Comité International Olympique (CIO), succédant au Grand-Duc Jean qui en était membre depuis 1946. Pourquoi est-ce important pour le Grand-Duché de Luxembourg d’y être présent ?

Etre présent dans les instances internationales, pour un pays, quelle que soit sa taille, c’est important. Et c’est vrai aussi pour le sport. L’important, c’est de participer. Les valeurs du sport sont universelles et elles me touchent tout particulièrement. J’ai toujours pensé que ces valeurs – le respect, l’amitié, l’excellence, le fair-play – sont des règles fondatrices de la société, dans le but de bâtir un monde meilleur dans la paix.

Le sport est un vecteur d’éducation exceptionnel pour la jeunesse. Et il est un adjuvant pour une meilleure santé.

Au CIO, vous vous êtes d’ailleurs investi, dès 1999, comme Membre de la Commission de la Solidarité Olympique. Quels sont les buts poursuivis dans cette Commission ?

Je suis heureux que vous me posiez la question car l’on a souvent tendance à limiter ma présence au CIO au rôle protocolaire lors des Jeux Olympiques. Quand j’ai succédé à mon père, plutôt que les finances, j’ai fait part de ma préférence pour la Commission de la Solidarité Olympique et cela m’a été accordé.

Au début, 20% des revenus des droits de télévision étaient affectés à la Solidarité Olympique. Et ces recettes n’ont cessé de croître. La Commission « Solidarité Olympique » travaille sur des plans quadri-annuels dont la priorité est l’assistance aux Comités Nationaux Olympiques (CNO) dans le cadre des programmes de développement destinés aux athlètes qui en ont le plus besoin. Notre travail est de veiller à la bonne répartition, la bonne gouvernance et le bon usage des fonds, en gardant les athlètes au cœur du raisonnement.

La Commission de la Solidarité Olympique compte 22 membres et s’appuie sur l’administration du CIO qui coordonne les représentations sur chaque continent. Chaque CNO bénéficie de conseils ciblés couplés à l’assistance financière. Au total, le budget du plan 2021–2024 de la Solidarité Olympique dispose d’une enveloppe de 590 millions de dollars. Vous voyez, mon engagement dans le Mouvement olympique ne se résume pas aux remises de médailles.

© CIO / Greg Martin

S.A.R. le Grand-Duc avec Thomas Bach, President CIO.

"La Solidarité Olympique a mis en place avec succès l’Olympic Refugee Team."

 

La Commission de la Solidarité Olympique est une sorte de « Office Social » pour aider les CNO et les athlètes des pays défavorisés.

Oui, mais elle a aussi mis en place un projet exceptionnel : l’Equipe Olympique des Réfugiés qui est considérée comme un CNO à part entière et défile sous la bannière olympique. De nombreuses populations sont en migration pour des raisons diverses. Parmi les réfugiés, il y a des sportifs de haut niveau. Le CIO vient de divulguer la liste des athlètes réfugiés qui ont reçu une bourse pour les aider à s'entraîner en vue des Jeux Olympiques de Paris 2024 : ils sont 52, originaires de 12 pays et vivent dans 18 pays d'accueil. Ils sont actifs dans dix sports différents. Chacun d’eux nourrit l'espoir d'être sélectionné pour faire partie de l'« Olympic Refugee Team ». Ils étaient 10 à Rio et 29 à Tokyo. La Solidarité Olympique finance leur encadrement sportif organisé avec les CNO des pays hôtes. Les athlètes s’entraînent en effet avec les élites dans les pays où ils se trouvent. La Solidarité Olympique dépasse les clivages politiques et les aide à participer.

© Maison du Grand-Duc / Sophie Margue

Célébration des 10 ans du Sportlycée à la Coque, 2022.

Sur les 25 dernières années, le Mouvement olympique dans son ensemble a connu une véritable expansion et les Jeux olympiques et paralympiques également.

Pour les jeux en eux-mêmes, cette expansion est antérieure à mon arrivée. En 1980, les Jeux d'Eté à Moscou avaient réuni 5217 athlètes (4092 H et 1125 F) pour 203 disciplines. En 1996, à Atlanta, les Jeux accueillaient 10.310 athlètes (6797 H, 3513 F) pour 271 disciplines. Si le nombre global d’athlètes est, depuis, resté stable, c’est l’équilibre homme-femme qui a fait un grand pas vers l’égalité. En 2012, les Jeux de Londres recevaient 10 568 athlètes (5892 H, 4676 F – 56 % d’hommes, 44 % de femmes) et toutes les disciplines sportives proposées furent masculines et féminines. Les derniers Jeux, à Tokyo en 2020, enregistraient 11.091 participants (5656 H et 5435 F). 51% d’hommes, 49 % de femmes. Cela a été un moment historique.

Le progrès se constate non seulement dans les Jeux Olympiques d’Eté et d’Hiver, mais aussi dans les Jeux Paralympiques, les Jeux de la Jeunesse, ainsi que dans la croissance du nombre de fédérations dans les Comités Nationaux. Le sport a le vent en poupe, et pas seulement à la télévision.

© Guy Wolff

Jeux Olympiques de Londres – 2012. Le Couple grand-ducal, avec la Princesse Alexandra et la cycliste Christine Majerus à une réception en l’honneur du « Team Lëtzebuerg ».

Quels ont été les Jeux qui ont, à vos yeux, été les plus aboutis ?

Toutes les éditions, Jeux d’Eté et Jeux d’Hiver, auxquelles j’ai participé ont été uniques et il faut en féliciter les comités d’organisation qui doivent, à chaque fois, jongler avec les situations politiques, climatiques, sanitaires pour proposer les meilleurs Jeux possibles. Je ne veux pas les départager tant les défis des uns sont différents des autres.

Je veux cependant relever les Jeux de Londres qui ont apporté deux évolutions majeures à mes yeux : la mixité des sportifs dans toutes les délégations participantes et dans toutes les disciplines ; et la médiatisation unique des Jeux Paralympiques. Deux idées reprises et confortées par Rio et par Tokyo. Il en sera de même à Paris. Aussi Londres 2012 garde pour cela une place particulière dans mon cœur, et dans celui de la Grande-Duchesse qui est membre de l' « International Paralympic Committee » depuis 2004. Il est important d’associer systématiquement les Jeux Olympiques aux Jeux Paralympiques. C’est aussi cela la solidarité.

"Il est important d’unir Jeux Olympiques et Paralympiques. C’est aussi cela la solidarité."

 
Le Grand-Duc et la skieuse Gwyneth Ten Raa sur la piste de Yanking
© Maison du Grand-Duc

Jeux Olympiques de Pékin – 2022. S.A.R. le Grand-Duc sur le site de la compétition avec Gwyneth Ten Raa

La place du sport féminin au Jeux a, ces dernières années, été assez polémique, avec le débat du port du voile dans la pratique sportive.

La première femme arabe, africaine et musulmane à remporter une médaille d’or olympique est la Marocaine Nawal el-Moutawakel. C’était en 1984, en 400m haies. Elle est devenue vice-présidente du Comité international olympique en 2012. Le CIO prend donc cette problématique très à cœur, avec la volonté de faire avancer les choses par le dialogue.

Le Comité Olympique est favorable à la pratique du sport pour tous.

Il est favorable aussi aux épreuves mixtes (il y en a en tennis, en badminton, en athlétisme –35km marche, une première à Paris-, en patinage artistique, en curling, et en équitation). L’équitation a aussi une autre spécificité : c’est le seul sport olympique dans lequel les hommes et les femmes concourent pour la même médaille.

Quels sont les défis de la famille olympique aujourd’hui ?

Il y a plusieurs débats intéressants. Je pense à la mixité des épreuves que je viens d’évoquer, à la présence de nouvelles disciplines sportives, les sports de démonstration. Il y en aura quatre à Paris (le surf, l'escalade, le break-dance et le skateboard). Trois étaient déjà présentés à Tokyo. La seule nouveauté à Paris sera le break-dance. On avait déjà vu arriver le BMX, le baseball, le retour du tennis, la planche à voile, …

Les conditions sont strictes : il faut que le sport candidat aux Jeux soit pratiqué dans au moins 50 pays présents sur trois continents. Il faut ensuite qu’il soit représenté par une fédération sportive internationale unique. Une fois ces deux conditions remplies, le CIO procède à l’analyse de la candidature et la soumettra à l’Assemblée pour validation par les membres du CIO. L’idée est d’augmenter l’activité physique en donnant de la visibilité à de nouvelles disciplines : plus les gens font du sport, mieux ils se portent.

© Maison du Grand-Duc / Sophie Margue

Visite du Centre National Culturel et Sportif d’Coque et du Luxembourg Institute for High Performance in Sports (LIHPS).

Autre défi majeur, toujours d’actualité, c’est la lutte contre le dopage. Le CIO y travaille sans relâche. Il a créé l’AMA, Agence Mondiale Antidopage, WADA en anglais. Avec près de 270.000 analyses de contrôle effectuées en 2022, l’AMA est là pour protéger les athlètes. L’objectif est clair : que le sport se pratique sur un terrain de jeu équitable pour tous. Le CIO est aussi la première organisation sportive à avoir créé une commission d’éthique indépendante en 1999 afin de veiller au respect des principes éthiques du Mouvement olympique. La Charte éthique a été actualisée et publiée en septembre 2022. Elle est très stricte, tant pour les membres du CIO, l’entourage et les athlètes.

Enfin, je pense aussi aux engagements du Mouvement olympique pour le climat. Un débat qui se poursuit depuis longtemps. Les prochains Jeux de Paris sont climatiquement ambitieux : village olympique « bas-carbone », recours aux énergies renouvelables, stratégie « zéro déchet », et autres. Ils marqueront, je l’espère, une nouvelle étape vers la neutralité climatique.

"Je suis au COSL depuis 25 ans et je peux vous dire que le travail effectué est exceptionnel."

 
Le Grand-Duc salue la délégation lors de la cérémonie d'ouverture
© Maison du Grand-Duc

Jeux Olympiques de Pékin – 2022. S.A.R. le Grand-Duc salue la délégation luxembourgeoise depuis la tribune.

Revenons au pays. Le rôle des Comités Nationaux est fondamental pour le mouvement olympique. Par votre mandat au CIO, vous êtes entré au Conseil d’Administration du COSL, il y a 25 ans. Pourquoi le Luxembourg n’a-t-il remporté qu’une seule médaille d’or dans l’histoire ?

(Sourire). La performance de Josy Barthel dans le 1500 m des Jeux d’Helsinki en 1952 reste inégalée. Mais cette performance et la progression qui a été celle de l’athlète dans les années précédant l’exploit d’Helsinki montrent que la réussite se travaille sur le long terme. En 1947 et 1948, Josy Barthel était champion du monde militaire. En 1949 et 1951, champion du monde des étudiants. Le Luxembourg a d’ailleurs aussi eu deux médaillés d’argent : Joseph Alzin en haltérophile à Anvers en 1920 et Marc Girardelli, double médaillé en ski à Albertville en 1992.

Le Comité Olympique et Sportif Luxembourgeois, avec les Gouvernements respectifs, et tous les partenaires (voir encadré), travaillent avec rigueur et passion, en symbiose avec les 63 fédérations nationales qui forment le COSL; un travail essentiel est effectué sur « la formation des formateurs » avec notamment l’appui des experts étrangers

"Un jour, même si la concurrence est rude, il y aura d’autres Josy Barthel."

 

Ce travail paye. Au-delà de la marathonienne Daniele Kaber, septième du marathon de Séoul en 1988, il y a eu Andy Schleck, en cyclisme, 5e à Pékin en 2008; il y a eu Marie Muller, en judo, 5e à Londres en 2012 ; il y a eu Gilles Muller qui rate les 8e de finales après avoir battu Tsonga à Rio en 2016 ; et il y a Charles Grethen en finale olympique du 1500 m à Tokyo en 2021. C’est un exploit magnifique. Il sert d’exemple pour les 54 sportifs du cadre « Elite » qui forment le « Team Lëtzebuerg ». Un jour, même si la concurrence est rude, il y aura d’autres Josy Barthel. J’accompagne le COSL depuis 25 ans et je peux vous dire que le travail qui y est effectué est exceptionnel.

© Maison du Grand-Duc / Sophie Margue

2023. Visite de la SportFabrik à Oberkorn.

Les partenaires du COSL :

Pour que la performance sportive soit au rendez-vous, il faut que, autour de l’athlète, tous les acteurs coopèrent étroitement : s’assemblent. À côté du COSL, la pièce-maîtresse, il y a le Ministère des Sports (« La Coque » est un outil magnifique), les Fédérations, les clubs, l’Armée et sa Section Sports-Elite (SSEA) qui joue un rôle prépondérant, le « Sportlycée », les communes qui ont toutes fait d’énormes efforts du côté des infrastructures et des équipements, les meilleurs médecins du sports du pays réunis dans le Centre Médical Olympique Luxembourgeois (CMOL), les experts du Laboratoire de Biomécanique « SportFabrik », le Luxemburg Institute for High Performances in Sport (LIHPS) et l’Institut national de l’activité physique et des sports (ENEPS-INAPS).

Le Grand-Duc regarde une image sur un écran
© Maison du Grand-Duc / Sophie Margue

2023. Visite de la SportFabrik à Oberkorn. En compagnie de Georges Engel, Ministre des Sports, et du Prof. Dr. Jan Cabri, Directeur scientifique du LIROMS.