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Message de S.A.R. la Grande-Duchesse : Journée Internationale de l'Enfance Africaine

Message personnel de SAR la Grande-Duchesse prononcé en l'Abbaye de Neumünster à l'occasion de l'IDAY, Journée Internationale de l'Enfant africain le 16 juin 2008. Ouverture avant la table ronde: "L'éducation en Afrique: nouvelles réalités et enjeux futurs".

Monsieur le Vice-président de la Chambre des Députés, Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs,

Je voudrais commencer en souhaitant une chaleureuse bienvenue à nos invités étrangers, dont le témoignage et l'expérience donneront un éclairage indispensable à cette soirée de réflexions et d'échanges qui, je n'en doute pas seront très enrichissants.

Je voudrais également saluer le Ministre de la Coopération et de l'Action Humanitaire, Monsieur Schiltz ainsi que Monsieur Goerens, son prédécesseur, qui ont inscrit l'essentiel de leur action publique au service du développement. Ma reconnaissance va enfin aux organisateurs de cette journée au Luxembourg. C'est en effet grâce à Bridderlech Deelen, Caritas Luxembourg, Education Universelle en Afrique, Handicap International, SOS Sahel International, SOS Villages d'Enfants Monde, UNICEF-Luxembourg sous l'égide de l'Unity Foundation, que nous sommes réunis.

Je vous remercie particulièrement et de tout cœur, de m'avoir invitée et de me donner l'occasion de partager avec vous quelques réflexions personnelles.

Mes nombreux voyages, mes engagements divers, en particulier ma mission d'Ambassadeur de bonne volonté au sein de l'Unesco pour l'éducation des femmes et des jeunes filles, ou celle plus récente d'Eminent Advocate for Children auprès de l'UNICEF, m'ont amenée à prendre conscience de la richesse et de la diversité des cultures que j'ai rencontrées, et de la dignité commune que nous partageons.

Mon expérience la plus marquante dans ce domaine a eu lieu au Bangladesh auprès du Professeur Mohammed Yunus. Au cours de mes visites, il m'est apparu clairement que pour parler d'éducation, nous avons le devoir d'aider ceux qui sont tombés dans la misère à se remettre debout, sans créer de dépendance, sans poser de conditions. C'est la raison pour laquelle je m'attelle, depuis plus de dix ans, à promouvoir la microfinance car j'ai constaté que lorsque ces femmes que j'ai rencontrées dans des petits villages arrivent à survivre financièrement,- et croyez-moi elles sont très douées!- elles sont les premières à demander une éducation de base, à savoir: lire, écrire, calculer.

Elles sont les premières à comprendre la valeur de l'éducation pour sortir du cercle vicieux de la misère. Ces mères savent pourquoi elles envoient leurs enfants à l'école! Il y a quinze, vingt ans lorsque la première génération "d'enfants de la microfinance" commençait son éducation scolaire, le Professeur Yunus m'a confié que son espoir était de voir que ces enfants arrivent à la fin du primaire. Ces mêmes enfants aujourd'hui, pour un grand nombre ont non seulement terminé le cycle primaire, mais aussi intégré le système secondaire. Un petit nombre poursuit des études universitaires.

Nous parlons bien, Mesdames et Messieurs, de la première génération!

Je ne vous cacherai pas qu'en me racontant ceci le Professeur Yunus avait les larmes aux yeux et je dois avouer que moi aussi. Ma première réflexion se conclut donc par cette question: la clé du développement ne réside-t-elle pas dans la restauration de la dignité humaine? Remettre debout une personne exclue quelle qu'elle soit, libère une force créatrice qui fait non seulement voler en éclats nos aprioris, mais contribue surtout à la richesse même d'une société. Cette force créatrice, cette richesse ne sont-elles pas la dynamique même de la vie, de l'humanité?

Nous pourrions nous poser la question de savoir quelles sont les conditions qui permettraient à cette dynamique vitale de se déployer, à cette force créatrice d'être libérée et finalement à cette richesse de l'emporter sur la pauvreté dans le monde. Ce n'est pas un hasard si les deux premiers objectifs du millénaire pour le développement d'ici 2015 sont la lutte contre la faim dans le monde et une éducation primaire pour tous.

Tout d'abord, la lutte contre la faim dans le monde. Elle est la première priorité, car comment peut-on apprendre lorsqu'on a le ventre vide! J'aimerais à ce sujet, vous raconter le témoignage d'un ami qui, en 2002 lors d'une mission au Malawi, a rencontré une famille dont la mère était en train de mourir du Sida. Au cours de la visite, il demanda à l'aîné, un garçon de 7 ans: "quel serait ton plus grand désir?". Sa réponse fut surprenante: "avoir assez à manger pour pourvoir aller à l'école"! Bouleversé par cette réponse, cet ami nourrit aujourd'hui, 350000 enfants par jour au sein d'écoles en Afrique, Asie, Amérique Latine et Europe de l'Est. Cette histoire m'a fortement interpellée. Si des pays comme le Luxembourg peuvent faire une différence- et j'aimerais saluer tous les professionnels et les bénévoles des ONG luxembourgeoises- il y a grand espoir qu'avec volonté humaine et politique, le problème de la faim puisse être résolu. Il suffit de penser que les dépenses militaires mondiales représentaient en 2007, 1204 milliards de Dollars et que moins d'un quart de ce budget suffirait à éradiquer la faim dans le monde!

Après le problème de la faim, c'est l'éducation qui devient la priorité car l'éducation primaire pour tous reste le seul moyen qui permet à chaque enfant d'obtenir les instruments dont il a besoin pour construire sa vie d'adulte et espérer vivre heureux. Il est évident que l'éducation par l'apprentissage, la lecture, l'écriture et le calcul, est le chemin privilégié d'accès à la connaissance.

Toutefois reconnaissons que l'éducation est aussi le vecteur par lequel se transmet l'héritage culturel propre à chaque pays, vecteur par lequel se transmet de génération en génération cette richesse orale et écrite. Reconnaissons à chaque pays le droit à l'exception culturelle et la nécessité de le garantir. La sauvegarde des diversités culturelles représentant une chance pour chaque continent et pour notre monde.

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais maintenant terminer en laissant la parole aux intervenants de la table-ronde, en citant le célèbre écrivain et ethnologue malien Amadou Hampâté Bâ: "Les hommes peuvent atteindre un but commun sans emprunter les mêmes voies".

Je vous remercie pour votre attention.